Femme accroupie
Femme accroupie
Femme accroupie est réalisée vers 1884-1885 par Camille Claudel, âgée d’une vingtaine d’années. L’œuvre en plâtre est patinée d’une couleur chair aux reflets nuancés de verts bleutés. Elle représente une femme tout en chair, accroupie et recroquevillée sur elle-même. Le chignon tressé, savamment entrelacé, peut absorber un moment l’attention de l’observateur et susciter son admiration.
Adultes et enfants cherchent spontanément à voir le visage caché dans ses bras, perceptible d’un seul point de vue. Avant même de décrire l’œuvre, ils prêtent à cette femme des sentiments comme la tristesse, la peur, la honte. D’après eux, cette femme se cacherait pour se protéger.
Des enfants ingénus tentent de prendre la pose. Ils se mettent accroupis et se cachent. Mais la posture n’est pas si aisée. Les deux mains sont jointes au-dessus de la tête. Les bras parallèles enferment le visage. Observer ce dos arrondi, avec cette colonne vertébrale saillante permet d’en comprendre toute la complexité. Le personnage est penché, en torsion. La pose est en réalité très difficile à imiter, d’autant plus que les pieds reposent complètement sur la fine terrasse de la sculpture. Une autre tentative, plus proche de la posture de la Femme accroupie, crée des déséquilibres. La chute est proche. Camille Claudel aime incontestablement éprouver l’équilibre de ses personnages.
La torsion et le déséquilibre dépassent la simple prouesse technique et semblent témoigner d’une douleur intérieure extrême. En 1898, Mathias Morhardt, critique d’art, transcrit dans un texte toute l’émotion exprimée dans l’œuvre : « Cette étude est un admirable morceau de nu. Les bras, le dos, le ventre sont d’une souplesse où la vie frémit ».
Les Causeuses
Les Causeuses
Signé sur la terrasse : C. Claudel - Fonte E. Blot no1, 1905
Les Causeuses ou Les Bavardes ou encore La Confidence, désigne un groupe de quatre femmes saisies par un secret. L’une d’elles, face au spectateur, le raconte tandis que les trois autres tendent l’oreille pour ne pas en perdre une miette. La scène est fermée par un paravent, qui fait penser à un coin de mur et qui donne un aspect très théâtral à cette sculpture.
Les dimensions de l’ensemble sont très réduites mais il s’agit bien de la taille définitive voulue par l’artiste. Malgré cette petite taille, le groupe est très éloquent et Camille Claudel parvient à animer les corps qui se penchent en avant, se cambrent, se pressent les uns contre les autres pour être au plus près de la détentrice du secret. Celle-ci porte la main à la bouche, comme pour diriger le murmure de sa confidence vers les visages avides de ses camarades.
Cette œuvre fait partie des « Croquis d’après nature », une série de sculptures de petites dimensions qui dépeignent des scènes du quotidien, imaginées par Camille Claudel dans les dernières années du XIXe siècle. L’inspiration des Causeuses proviendrait d’un groupe de femmes que l’artiste a observées dans un wagon de chemin de fer et qu’elle a modelées de mémoire de retour à l’atelier. Mais en représentant les femmes nues et en dépouillant le décor, elle s’éloigne de l’anecdote au profit d’une scène universelle et atemporelle. Cette manière de procéder est très inhabituelle et témoigne d’une conception résolument moderne de la sculpture. Avec les « Croquis d’après nature », Camille Claudel voulait prouver aux critiques qu’elle s’était détachée de l’influence de son ancien maître, Auguste Rodin.
Persée et la Gorgone
Persée et la Gorgone
« C’est Médusa », « C’est Percy Jackson ! ». Dès qu’ils aperçoivent Persée et la Gorgone, sculpture en marbre de Camille Claudel, les enfants sont heureux de reconnaître le sujet de l’œuvre grâce à une série de romans qui leur est destinée.
Cette version achevée en 1902 est le seul marbre monumental de Camille Claudel. Commandée par la comtesse de Maigret, mécène de l’artiste, la taille du marbre a été confiée à François Pompon, d’après le modèle en plâtre exposé au Salon du Champ-de-Mars en 1899.
La mythologie grecque en est bien la source d’inspiration. Athéna transforma les trois sœurs Gorgones en monstres par vengeance. Leurs chevelures qui les rendaient autrefois irrésistibles auprès de leurs prétendants furent remplacées par des serpents et la déesse les affubla d’ailes d’or. Elles avaient également le pouvoir de pétrifier tous ceux qui croisaient leur regard. Persée réussit toutefois l’exploit de trancher la tête de Méduse, seule mortelle des trois Gorgones, en utilisant son bouclier poli en guise de miroir, pour la voir sans la regarder.
Persée est triomphant. Les serpents s’enroulent autour du bras du héros victorieux brandissant la tête. Des entrelacements figurant du sang s’échappent du cou de la Gorgone et se mêlent à un drapé, dirigeant le regard du visiteur jusqu’au corps sans tête de Méduse, qui gît, recroquevillé. Dans sa main droite, Persée tenait un bouclier, qui a aujourd’hui disparu. Le sujet de la sculpture est aisément identifiable : Camille Claudel montre à la fois la joie du vainqueur et sa lutte récente contre la créature. Quant aux postures des personnages, l’artiste les a reprises de deux de ses œuvres antérieures, La Valse et la Femme accroupie. À qui donc le visage de la Gorgone a-t-il emprunté ses traits ? Paul Claudel écrit en 1951 dans Ma sœur Camille : « Ce visage au bout de ce bras levé, oui, il me semble bien en reconnaître les traits décomposés. » ; sans le dire explicitement, l’écrivain sous-entend que sa sœur se serait représentée.
Entreprises mécènes : EDF, Crédit Agricole de Champagne-Bourgogne, Saipol et Diester industrie, SCS Sorodi, Groupe Soufflet, Nature d'origine, POK, Gaget, A.N.A.U. architectes, SIABA, Larbaletier, Lenoir et associés architectes, ACMM, Imprimerie La Renaissance, Emin Leydier, Prieur et associés.
Voir aussi dans les collections :
L'Âge mûr
L'Âge mûr
Fonte Eugène Blot, n°3, 1907
Avec L’Âge mûr, Camille Claudel montre sa maîtrise artistique et sa créativité, parvenues à maturité. L’artiste traite ici du temps qui passe, de la vieillesse et de la mort, sujets chers aux symbolistes. La composition parfaitement maîtrisée traduit la fuite inexorable du temps : une diagonale relie le corps de la jeune femme suppliante à la main tendue de l’homme et à la draperie de la vieille femme. Les différents niveaux de la terrasse accentuent encore cette marche dont l’issue ne peut être que la mort. L’artiste excelle ici à représenter plusieurs moments d’une même histoire : la jeune femme montre douleur puis résignation, l’homme tente de résister mais déjà se laisse entrainer. Surtout, Claudel joue avec les vides, qui font partie intégrante de l’œuvre : l’espace entre les mains de l’homme et de la femme exprime à lui seul toute la tension émotionnelle de ce moment.
Évoqué dès 1890 dans une lettre de l’artiste, L’Âge mûr connaît une longue genèse et est exposé pour la première fois au public en 1899. Après plus de dix ans d’échanges et de tractations entre Camille Claudel et l’État, la commande publique en marbre ou en bronze de cette œuvre ne voit finalement jamais le jour. Mais un collectionneur privé, le capitaine Tissier, commande L’Âge mûr en bronze, qui est fondu en 1902. Puis, à partir de 1907, Eugène Blot, galeriste, éditeur et fidèle soutien de la sculptrice, commercialise une réduction en bronze de ce groupe.
On a souvent réduit cette œuvre à sa dimension autobiographique. Mais si la sculpture fait écho à sa séparation d'Auguste Rodin, Camille Claudel y évoque avant tout la destinée humaine : cette allégorie des âges de la vie, montrant le passage de la jeunesse à l’âge mûr puis à la vieillesse, revêt une portée universelle. Surtout, la sculptrice affirme son autonomie artistique, par une expressivité, un traitement de l’espace et une vie intérieure des personnages qui n’appartiennent qu’à elle.
Aurore
Aurore
Fonte E. Blot no1, 1908
Cette petite fille, au regard tourné vers le ciel et à la chevelure détachée est la dernière interprétation que donne Camille Claudel du buste de La Petite Châtelaine réalisée vers 1882. En effet, elle reprend souvent ses compositions et propose des variations, notamment sur le travail de la chevelure. Ces reprises témoignent de sa modernité et peuvent être rapprochées de la pratique d’Auguste Rodin. Avec ce buste, l’artiste s’inscrit stylistiquement dans le courant Art nouveau en ce début de XXe siècle : le visage présente un modelé lisse et ferme et des contours bien dessinés ; quant à la chevelure abondante, elle est formée de magnifiques courbes.
En accentuant le caractère universel et allégorique de ce buste par un traitement esthétique des traits, Camille Claudel affirme son appartenance à la sphère des artistes symbolistes à une période où elle souhaite se détacher de l’art et de l’influence d’Auguste Rodin. Symbole de pureté, Aurore lève ses yeux animés de la lueur des premiers rayons du soleil, signe de renouveau et d’espoir. Cette œuvre intemporelle interpelle quiconque l’admire.
Le fondeur et éditeur Eugène Blot acquiert le plâtre d’Aurore et, à partir de 1908, il en édite six exemplaires en bronze. Au musée Camille Claudel sont présentés le chef-modèle en bronze qui a servi à reproduire l’œuvre et une version en bronze avec une patine vert d'eau très particulière.
Voir aussi dans les collections :
Un bonhomme qui bouge – modelage
Atelier tout-petits - 3 à 7 ans

Les mouvements artistiques dans la sculpture de la Belle Époque
Visite thématique

Les collections du musée Camille Claudel témoignent de l’éclectisme de la sculpture entre le dernier tiers du XIXe et le début du XXe siècle. Cette visite propose de parcourir les différents courants de cette époque, du néoclassicisme à l'art nouveau en passant par le naturalisme ou encore le symbolisme.
Camille Claudel, L'Implorante, 1899, bronze © Marco Illuminati
Nombre de places limité
par téléphone au : 03 25 24 76 34
par mail : reservation@museecamilleclaudel.fr
Informations pratiques
Lieu : Horaires & Tarifs :15h
Durée : 1h
3 € en plus du billet d'entrée au musée
Réservation conseillée :
03 25 24 76 34
Au But
Au But
Alfred Boucher conçoit Au But, son œuvre la plus célèbre, en 1886. Trois hommes presque nus, corps tendus, mains en avant, visage crispé par l’effort, sont représentés dans une course effrénée. Au point de déséquilibre, les trois corps semblent dérouler un même mouvement.
Boucher s’inscrit pleinement dans les réflexions des artistes de son temps sur la représentation du mouvement : désormais des médecins enseignent l’anatomie à l’École des beaux-arts, faisant profiter les élèves des dernières découvertes scientifiques. C’est aussi la chronophotographie qui révolutionne l’approche des artistes. Ce système de prise de vue en rafale, révolutionnaire, permet de saisir les différentes phases d’un mouvement comme la course, et de les décomposer.
Alfred Boucher fait partie des nombreux artistes qui s’en inspirent. Cependant, il ne prétend pas faire œuvre scientifique : il cherche à rendre l'impression de rapidité et de fulgurance par une position en extension, qui en réalité n'est pas tenable. Avec modernité, Boucher choisit ici des poses outrées et superpose les corps : de cette manière il suggère la course avec beaucoup de force, plus qu'il ne la représente fidèlement.
Avec Au But, Boucher devance le grand mouvement sportif des années 1890 et l’organisation des Jeux Olympiques en 1896. Son œuvre connaît un immense succès puisqu’elle est récompensée d’une médaille au Salon de 1886 puis d’une médaille à l’Exposition Universelle de 1889. L’original, mesurant plus de 2 mètres de haut et présenté au jardin du Luxembourg, a disparu pendant la Seconde guerre mondiale. Seules subsistent les nombreuses réductions commercialisées, dont celle exposée au musée.
Voir aussi dans les collections :
Des croquis d'après nature à Persée et la Gorgone
Dans les années 1890, exaspérée par les critiques qui rapprochaient sans cesse son travail de celui d’Auguste Rodin, Camille Claudel a recherché une esthétique résolument personnelle et moderne. Les Croquis d’après nature sont l’aboutissement de ses réflexions. Ces œuvres de petites dimensions représentent des scènes observées dans le quotidien. Ainsi, pour Les Causeuses, elle s’est inspirée d’un groupe de femmes dans un compartiment de train. Elle travaillait de mémoire et sans modèle, selon une méthode inhabituelle pour l’époque. Elle portait une attention particulière à la justesse et à l’expressivité de chaque personnage pour dépasser la dimension anecdotique au profit de l’universel. L’impression d’instantanéité, de mouvement et de vie qui se dégage de ces scènes est frappante. Malgré l’abondance des Croquis d’après nature mentionnés par les sources de l’époque, très peu nous sont parvenus. Certains ont probablement été détruits par l’artiste dans des moments de détresse.
Autour de L'Âge mûr
Cette œuvre a été conçue par Claudel au moment où elle se séparait de Rodin et on peut y voir un écho de sa vie intime. Bien qu’elles ne soient pas des portraits, les trois figures du groupe semblent ainsi évoquer Auguste Rodin s’éloignant de la jeune Camille Claudel pour rejoindre sa compagne plus âgée Rose Beuret. Cependant, la sculptrice a dépassé l’évocation de son histoire personnelle pour élaborer une œuvre universelle incarnant la condition humaine soumise au passage du temps, qui nous conduit inexorablement vers la mort. La vieille femme entraîne l’Âge mûr dans un mouvement irrépressible traduit par la composition oblique, la draperie à l’arrière et la base s’élevant en degrés successifs pour s’achever dans une forme de vague. La force de l’évocation se concentre dans le vide qui sépare les mains de la Jeunesse de celles de son ancien amant.