Des croquis d'après nature à Persée et la Gorgone
Dans les années 1890, exaspérée par les critiques qui rapprochaient sans cesse son travail de celui d’Auguste Rodin, Camille Claudel a recherché une esthétique résolument personnelle et moderne. Les Croquis d’après nature sont l’aboutissement de ses réflexions. Ces œuvres de petites dimensions représentent des scènes observées dans le quotidien. Ainsi, pour Les Causeuses, elle s’est inspirée d’un groupe de femmes dans un compartiment de train. Elle travaillait de mémoire et sans modèle, selon une méthode inhabituelle pour l’époque. Elle portait une attention particulière à la justesse et à l’expressivité de chaque personnage pour dépasser la dimension anecdotique au profit de l’universel. L’impression d’instantanéité, de mouvement et de vie qui se dégage de ces scènes est frappante. Malgré l’abondance des Croquis d’après nature mentionnés par les sources de l’époque, très peu nous sont parvenus. Certains ont probablement été détruits par l’artiste dans des moments de détresse.
Autour de L'Âge mûr
Cette œuvre a été conçue par Claudel au moment où elle se séparait de Rodin et on peut y voir un écho de sa vie intime. Bien qu’elles ne soient pas des portraits, les trois figures du groupe semblent ainsi évoquer Auguste Rodin s’éloignant de la jeune Camille Claudel pour rejoindre sa compagne plus âgée Rose Beuret. Cependant, la sculptrice a dépassé l’évocation de son histoire personnelle pour élaborer une œuvre universelle incarnant la condition humaine soumise au passage du temps, qui nous conduit inexorablement vers la mort. La vieille femme entraîne L’Âge mûr dans un mouvement irrépressible traduit par la composition oblique, la draperie à l’arrière et la base s’élevant en degrés successifs pour s’achever dans une forme de vague. La force de l’évocation se concentre dans le vide qui sépare les mains de la Jeunesse de celles de son ancien amant.
Autour de La Valse
La Valse est une oeuvre emblématique de Camille Claudel qui a connu plusieurs variantes. Dans la première version, un grand format, les danseurs étaient entièrement nus. En 1892, l’artiste a sollicité la commande d’une traduction en marbre. Armand Dayot, l’inspecteur chargé d’examiner le groupe pour le ministère, a été impressionné par sa qualité, mais, pour des raisons esthétiques et morales, il a demandé à la sculptrice d’habiller ses figures. Camille Claudel a alors exécuté une deuxième version avec une draperie s’enroulant depuis les pieds des danseurs jusqu’au-dessus de leurs têtes. Malgré l’avis favorable d’Armand Dayot, la commande du marbre n’a jamais abouti et il ne subsiste de cette étape qu’un exemplaire en bronze. Les variantes présentées ici sont plus tardives. Il s’agit d’une troisième version, de plus petites dimensions et au drapé simplifié. Ces éditions ont été produites pour le commerce et chaque tirage diffère légèrement dans les matériaux choisis et l’assemblage des danseurs.
Camille Claudel portraitiste
Camille Claudel s’est exercée tôt à l’art du portrait en faisant poser les membres de sa famille. Son frère cadet, Paul, a été son premier modèle et celui qu’elle a le plus souvent représenté. Durant ses années de formation, elle s’est inspirée d’œuvres qu’elle étudiait, comme celles de la Renaissance italienne au musée du Louvre dont elle a repris les codes pour le Jeune Romain. Camille Claudel a réalisé une vingtaine de portraits dont seulement quatre commandes. Cet art ne constituait pas pour elle une source de revenu, contrairement à la plupart des artistes. Elle faisait preuve d’une grande originalité dans la manière de représenter le modèle et elle mêlait savamment portraits physique et psychologique, là où la plupart de ses contemporains faisaient des portraits plus idéalisés, voire standardisés. Pour ce faire, elle forçait les proportions pour gagner en expressivité et n’hésitait pas à imprimer un mouvement au modèle, qui lui donne de l’importance dans l’espace.
Œuvres exposées dans cette salle
- Jeune Romain ou Mon frère ou Paul Claudel à seize ans, vers 1884, plâtre patiné, dépôt du Département de l’Aube.
- Paul Claudel à trente-sept ans, 1905, bronze, fonte P. Converset, 1912-1913, achat aux descendants du modèle avec le soutien de l’État (Fonds national du patrimoine) en 2016.
- Buste de femme âgée ou Portrait de Madame Claudel, vers 1883, plâtre, dépôt d’une collection particulière.
- Ferdinand de Massary, 1888, bronze, fonte Thiébaut frères, Fumière et Gavignot successeurs, 1898, achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle, 2008.
- Léon Lhermitte, 1889, bronze, fonte A. Gruet aîné, achat aux descendants du modèle avec la participation du Fonds régional d’acquisition pour les musées Champagne-Ardenne en 2010.
- La Petite Châtelaine, vers 1892-1893, plâtre patiné, achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle en 2008.
- Auguste Rodin, 1888-1889, bronze, fonte F. Rudier, 1897-1898, achat à Philippe Cressent en 2008.
- Jeune Femme aux yeux clos, vers 1885, bronze, fonte Delval, épreuve unique, 1987, achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle en 2008.
- Giganti, vers 1885, bronze, fonte vraisemblable Gruet, avant 1892, achat à Philippe Cressent en 2008.
- Aurore, vers 1900, chef-modèle en bronze, fonte E. Blot, 1908, achat à Philippe Cressent en 2008.
- Aurore, vers 1900, bronze à patine verte, Fonte E. Blot nº1, 1908, achat à Reine-Marie Paris de La Chapelle en 2008.
Une vocation précoce
Le sculpteur Alfred Boucher a découvert le talent de la jeune Camille Claudel à Nogent-sur-Seine vers 1878 et lui a donné ses premières leçons de sculpture. Il a encouragé ses parents à s’installer à Paris pour qu’elle puisse suivre une formation artistique professionnelle. L’École des beaux-arts étant encore interdite aux femmes, Camille Claudel s’est inscrite à l’Académie Colarossi. En parallèle, elle a loué un atelier où Alfred Boucher lui rendait visite pour suivre son travail. En 1882, il est parti à Florence, suite à l’obtention du prix du Salon, et a confié sa jeune élève à un confrère et ami, Auguste Rodin. Frappé par son talent précoce, ce dernier lui a proposé de rejoindre son atelier en tant qu’assistante. Une période de formation intense a alors commencé, pour assimiler les concepts du maître comme la théorie des profils, la science du modelé et la traduction de l’expression. Elle y est rapidement parvenue comme le démontre Femme accroupie où elle exprime déjà sa singularité.
L'atelier de Rodin
Traditionnellement, l’atelier désigne le lieu où l’artiste travaille avec ses assistants et exécutants qui l’aident dans sa tâche. Au XIXe siècle, les ateliers étaient très structurés et beaucoup de personnes pouvaient contribuer à la réalisation des compositions du maître. Quand les assistants réalisaient certaines parties des oeuvres, ils suivaient sa pensée et adoptaient son style. C’était l’occasion pour eux de se perfectionner, de bénéficier de conseils et d’accéder à un réseau de collectionneurs et de professionnels.
En 1864, le jeune Auguste Rodin est entré dans l’atelier d’Ernest Carrier-Belleuse. Il y a appris l’organisation d’un atelier et la répartition des tâches entre les assistants. En 1880, l’État lui a commandé La Porte de l’Enfer et a mis à sa disposition un atelier au dépôt des marbres à Paris. À son tour, il a embauché des assistants, parmi lesquels Jules Desbois, Camille Claudel et François Pompon. Puis en 1893, Antoine Bourdelle a lui aussi rejoint son atelier.
Le corps en mouvement
La représentation du corps en mouvement a constitué un enjeu majeur du renouvellement de la sculpture à la fin du XIXe siècle. Donner l’impression d’un mouvement, par nature éphémère, est à première vue contradictoire avec l’idée de sculpture, art de la fixité et de la durée. C’est précisément à ce défi que des sculpteurs se sont attelés en cherchant différents moyens de donner la sensation du corps en action. Cette recherche n’est pas apparue au XIXe siècle et depuis l’Antiquité, certains sculpteurs sont parvenus à animer leurs œuvres. Le groupe du Laocoon, emblématique de la sculpture grecque tardive, ou les chefs-d’oeuvre du Bernin, au XVIIe siècle, en témoignent. Mais l’invention de la chronophotographie dans les années 1870 et le renouveau de la danse à la fin du XIXe siècle ont relancé l’intérêt des artistes. Ces références ont créé une véritable émulation et initié de nombreuses recherches techniques et formelles qui témoignent d’un nouveau regard porté sur le corps dans l’espace.
Les sujets historiques
Le XIXe siècle a été le siècle de l’histoire par excellence. Dans le contexte révolutionnaire, impérial et sous la Restauration, il est apparu crucial de maîtriser le récit des événements du passé. Chaque régime politique s’est ainsi approprié l’histoire et durant les premières décennies du XIXe siècle, une réflexion sur la méthodologie des sciences historiques a été entamée.
Dans ce contexte, l’archéologie avait une importance capitale et Napoléon III a initié des chantiers de fouilles, notamment sur le site supposé d’Alésia, à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne.
L’importance donnée à l’histoire s’est traduite dans les arts par la fondation de musées et par la production d’œuvres qui témoignent d’une recherche de véracité historique. La formation des artistes a aussi été adaptée : un cours d’histoire basé sur le costume et les mœurs antiques a été dispensé à partir de 1819 à l’École des beaux-arts puis une chaire d’histoire et une chaire d’archéologie ont été ouvertes en 1863.
Camille Claudel
Visite thématique

Informations pratiques
Lieu : Horaires & Tarifs :Durée : 1h
Tarif : 4 € en plus du billet d'entrée au musée
Réservation conseillée :
03 25 24 76 34
Char de Diane et Char de Minerve
Char de Diane et Char de Minerve
Ces deux chars font partie du grand surtout de table élaboré par Emmanuel Fremiet et la Manufacture de Sèvres pour le palais de l’Elysée et exposé à l’Exposition universelle en 1900. Cet ensemble de sept groupes mythologiques dont certains mesurent près d’un mètre de haut était destiné à décorer le milieu de la table lors des dîners officiels les plus prestigieux.
Minerve est bien reconnaissable grâce à ses attributs : le serpent lové à l’arrière du char, la chouette ornant son bouclier, la branche d’olivier qu’elle tient à la main, le casque à cimier et l’égide qu’elle porte sur les épaules ; la lance est manquante sur cet exemplaire. La représentation de Diane est plus déroutante : l’arc, les flèches et le diadème orné d’un croissant de lune sont bien ses attributs habituels, le chien et l’ours font référence à ses activités de chasseresse. En revanche, les rennes qui tirent le char, la peau d’ours qu’elle porte sur le dos, la branche de pin qu’elle tient à la main ainsi que la neige marquée par les empreintes de roues et de pattes font référence à un monde nordique étranger à Diane. Dans ses comptes-rendus de l’exposition en 1900, la presse évoque une « Diane finlandaise », suggérant un syncrétisme des mythologies gréco-romaine et nordique sans donner plus de précisions.
Ces objets de prestige aux formes complexes ont aussi donné à la Manufacture de Sèvres l’opportunité de démontrer l’étendue de son savoir-faire. Chaque groupe est ainsi constitué d’un grand nombre de pièces moulées séparément et assemblées ensuite. La presse s’est aussi faite l’écho des différentes tentatives nécessaires pour cuire le premier exemplaire du Char de Minerve en raison de la finesse des pattes des rennes, montrant la prouesse technique réussie par la Manufacture.