Nymphe à la coquille
Nymphe à la coquille
Actuellement visible dans l'exposition Alfred Boucher, de l'atelier au musée
La posture debout, animée par un déhanchement, est rare dans la production de nus féminins d’Alfred Boucher, qui lui préfère celles assise. L’idéalisation du corps est nuancée par l’expression rieuse de la nymphe. Le sculpteur mêle ici deux références différentes. Héritée de l’Antiquité et répandue au XIXe siècle, la représentation de Vénus avec une coquille évoque sa naissance dans la mer. L’autre représentation, plus anecdotique, renvoie au geste enfantin qui porte à l’oreille un coquillage en pensant y entendre le bruit de la mer, traitée avant lui par Jean-Baptiste Carpeaux (Le Pêcheur à la coquille, 1857).
Voir aussi dans les collections :
À la terre
À la terre
Au musée, la salle dédiée à la représentation des travailleurs atteste de l’intérêt des sculpteurs pour ce thème à la fin du XIXe siècle. C’est là que se trouve À la terre, sculpture en plâtre d’Alfred Boucher représentant un terrassier penché, concentré sur sa tâche, fixant la terre qu’il soulève avec une pelle au manche légèrement courbé. Ces ouvriers étaient alors nombreux dans les rues pour participer aux travaux d’urbanisme.
Aucun visiteur ne reste indifférent à cette sculpture imposante par sa taille. Le corps de ce travailleur impressionne les enfants qui avancent les hypothèses les plus saugrenues pour expliquer son étonnante nudité. Mais non, l’homme n’est pas pauvre, il n’a pas trop chaud et les habits existaient bien à cette époque ! Alfred Boucher a choisi le nu afin de mettre en avant la musculature de ce corps. Les veines saillantes attirent l’attention sur l’effort fourni. D’autres détails accentuent cette robustesse : le visage hiératique ne trahit pas l’effort et semble montrer que rien ne détournera l’homme de sa besogne, l’arrière des genoux ainsi que les mollets sont frappants de précision. Le sculpteur rend ainsi hommage à l’ensemble des travailleurs, tout en montrant sa parfaite maîtrise de l’anatomie acquise à l’école des beaux-arts de Paris.
À la terre a été exposé au Salon des artistes français de 1891, remportant alors une médaille d’honneur et bénéficiant de critiques pour la plupart élogieuses. Ce succès valut à la sculpture une édition en bronze un peu différente : destinée aux intérieurs bourgeois, une ceinture cache pudiquement les parties intimes du terrassier. Le tronc, destiné à renforcer la sculpture en plâtre, est absent de cette édition.
Alfred Boucher a réutilisé la figure du terrassier pour un bas-relief destiné au piédestal du monument en hommage à Eugène Flachat. Torse nu, l’ouvrier est alors plus crédible en pantalon et sabots pour témoigner de son rôle indissociable de celui de l’ingénieur.
La Bourrasque
La Bourrasque
Bronze d'édition en une grandeur. Fonte Siot-Decauville
La Bourrasque d’Alfred Boucher s’inscrit dans une série d’œuvres à caractère anecdotique. L’artiste puise son inspiration dans la représentation de scènes de la vie quotidienne lui permettant de produire des œuvres d'inspiration sociale pour glorifier le monde rural, dont il est issu. Celle-ci donne à voir un couple de moissonneurs, identifiable à la faux portée par l’homme, qui rentre se mettre à l’abri d’une tempête qui approche.
Boucher adopte une vision idéalisée du monde rural, très loin des représentations plus sociales que l’on retrouve par exemple chez son confrère Ernest Nivet. Ses ouvriers agricoles sont jeunes, beaux et sains. En témoigne le corps vigoureux et musclé de l’homme que l’on aperçoit par l’ouverture de la chemise aux manches relevées et à travers le pantalon plaqué contre les jambes sous l’effet du vent.
Le sculpteur fait preuve ici d’habileté technique dans la représentation naturaliste et attentive du mouvement. Le vent, élément invisible, vient s’engouffrer dans les plis de la chemise de l’homme et dans les jupons de la femme. Sa force s’exprime dans la posture de la femme qui semble lutter contre les éléments déchaînés. D’un geste protecteur, l’homme tient sa compagne par l’épaule. L’artiste porte une attention particulière au mouvement vif de la course, accentué par l’expression des visages. Loin d’être passifs, ceux-ci montrent l’angoisse de voir le travail de la saison réduit à néant.
Voir aussi dans les collections :
Jeanne d'Arc écoutant ses voix
Jeanne d'Arc écoutant ses voix
Fonte Susse frères
Alors que Jeanne d’Arc est habituellement figurée en guerrière ou en bergère, Alfred Boucher la représente ici captive, assise sur un banc, le pied gauche enchaîné par des fers à peine visibles. L’artiste fait un choix iconographique rare. En campant l’héroïne emprisonnée, seule dans sa cellule, il évoque la trahison d’un roi qui l’a abandonnée.
La pucelle d’Orléans est représentée en toute simplicité, vêtue d’une simple robe qui évoque la tunique de toile soufrée qu’elle portera sur le bûcher, et dans une position d’attente, les jambes croisées et les deux mains jointes juste en dessous du genou droit. L’expression du visage montre la forte personnalité de la jeune femme, absorbée dans ses rêveries ou écoutant ses voix, faisant face à son destin.
Boucher présente une version en plâtre au salon de 1911 et un marbre à celui de 1912 sous le titre Rêverie. L’exemplaire du musée est une réduction éditée par le bronzier Susse qui allie le bronze, le marbre et le granit pour le socle. Sa polychromie en fait une statuette précieuse, rare dans la production d’Alfred Boucher, mais correspondant parfaitement au goût de l’époque. Cette figure s’inscrit dans la longue série des statuettes dédiées à Jeanne d’Arc dans les années qui précèdent sa canonisation en 1920.